Les éléments d’un jeu

Article rédigé par Playtime pour l’atelier Pimp ton jeu (juillet 2019)

Quand on cherche à définir les différents éléments que l’on peut trouver dans un jeu de société, il est intéressant de réfléchir en termes de « fonction naturelle » de ces éléments.
De même que les jeunes enfants n’ont pas besoin de comprendre qu’une voiture en jouet « donne naturellement » envie de la faire rouler, un dé se prête à être lancé et une carte à cacher les informations qu’elle contient.
Chercher les fonctions naturelles des éléments de jeu permet alors de les utiliser à bon escient. Encore mieux, une fois ces fonctions connues, il est possible de les détourner afin d’engendre des mécaniques de jeu originales. Voici les définitions des principaux éléments de jeu.

Le dé

Les dés ont pour fonction de produire des résultats aléatoires.
Entre un jeu de l’oie et des échecs, la plupart des jeux de société modernes laisse une part plus ou moins importante au hasard. Que ce soit pour déterminer l’issue d’un combat, l’avancée d’une voiture ou la quantité d’unités de bois que votre ouvrier ramassera ce tour, les dés sont massivement présents dans les jeux de société.
Toutefois les dés n’ont pas le monopole du hasard. D’autres éléments permettent d’en produire : tirer une carte d’une pile face cachée et préalablement mélangée, tirer des tuiles, des jetons, des pions ou d’autres éléments de jeu d’un sac en tissu opaque .
Les roulettes ou les toupies à faces lisses, ont strictement la même fonction que le dé. Mais elles sont beaucoup moins utilisées.
Enfin une pièce à double face a aussi cette même fonction, même si elle est limitée à deux résultats possibles.

Le plateau

Grand ou petit, aux formes bien diverses, le plateau peut être de bois, métal, carton ou encore un morceau de tissu, un quadrillage dessiné à même le sol.
Le support du plateau a différentes fonctions. Il représente l’espace de jeu, sur lequel les autres éléments du jeu vont « entrer en scène » et interagir entre eux.

Le plateau a aussi une fonction informative. On y trouve souvent des zones plus ou moins bien définies, rappelant aux joueurs les différentes actions qu’ils peuvent y entreprendre.

Ces zones peuvent être des cases :
 juxtaposées à travers lesquelles des pions vont se déplacer (comme aux échecs) ;
 le lieu de stockage de certaines denrées (dans ce cas, le plateau, ou du moins une partie, ne sert qu’à l’organisation du matériel de jeu) ;
 qui rappellent des informations utiles aux joueurs à l’aide de marqueurs (c’est le cas des pistes de score), etc.

Le plateau a aussi un rôle esthétique et d’immersion. L’affiliation à un univers de référence est devenue une contrainte obligée pour les créateurs. Le plateau (et la qualité graphique de sa réalisation) est sûrement l’élément qui va contribuer le plus (avec les figurines) à entrer dans l’univers du jeu. C’est pourquoi il est de plus en plus rare que l’on produise des jeux complètement abstraits.

Enfin nous pouvons signaler quelques cas particuliers de plateau :
→ Les plateaux individuels : combinés ou non avec un plateau central, les plateaux individuels servent à chaque joueur à indiquer leur progression dans le jeu.
→ Les plateaux modulaires : certains jeux contiennent plusieurs « bouts de plateau », de grande ou petite taille (il peut même s’agir de tuiles), qui peuvent se combiner pour produire des plateaux différents. Cela permet de produire des « scénarios » ou bien des configurations de départ aléatoires, qui changent à chaque partie. Cela donne de la richesse et de la rejouabilité aux jeux. Exemple : le jeu Carcassonne.

Le pion / La figurine

Le pion a pour fonction de représenter le joueur dans le jeu, ou du moins les personnages qu’il aura à gérer. Le ou les pions vont être posés sur le plateau et évoluer dessus. Ils vont se déplacer, se battre, transporter des marchandises, récolter des ressources, etc.

Dans un jeu de dames, les pions sont représentés par des disques qui ne nous disent rien, de par leur forme, sur leur fonction. Malgré cela, ils représentent sans aucun doute deux armés qui s’affrontent.

Le mot figurine fait plutôt référence à la forme du pion, en l’occurrence très figurée, contribuant, avec le plateau, à proposer aux joueurs un cadre immersif. À de rares exceptions près, les figurines sont toujours des pions et incarnent donc leurs fonctions.

La carte

Les cartes sont la plupart du temps rectangulaires, parfois carrées, d’une taille permettant de les tenir dans les mains, fines et souples. Elles contiennent toujours des informations.

Aujourd’hui, les cartes ont pris des formes, des couleurs et des usages bien divers. Pourtant, leur spécificité reste la même : les cartes ont toujours deux faces, la plupart du temps elles ont le même verso, et le recto comporte des informations que l’on peut tantôt cacher, tantôt révéler.

Cette double face leur confère donc deux fonctions principales : parfois elles servent à la production d’un résultat aléatoire ; parfois elles sont détenues par les joueurs, qui tels des ressources (potentielles, puisque inconnues des autres joueurs), tentent de les gérer au mieux afin de réaliser leur victoire ; souvent les deux en même temps.

Dans les jeux classiques de cartes comme le poker, les joueurs reçoivent des cartes de façon aléatoire, puis une fois qu’ils ont en pris connaissance, ils essaient de tirer le meilleur profit possible de cette conjonction d’informations connues et méconnues de chacun.

On peut souligner quelques utilisations et fonctions particulières :

→ Depuis quelques années, se sont développés des jeux de cartes modernes. Contrairement au poker où les cartes sont mélangées aussitôt révélées, dans ces nouveaux jeux, les cartes changent souvent de nature une fois révélées. Elles acquièrent alors certains attributs des pions, elles peuvent se déplacer, combattre, produire des ressources et d’autres effets.
→ Les cartes peuvent servir à prendre des décisions secrètes (souvent de façon simultanée avec les autres joueurs). Elles contiennent des informations sous forme d’ordre à assigner à un autre élément du jeu. Les joueurs « programment » ainsi une ou plusieurs actions de jeu.
→ Enfin, les cartes peuvent s’assembler pour constituer un plateau.

Le jeton

Le jeton est souvent un petit bout de carton plat, contenant des informations (chiffres, couleurs, pictogrammes). Dans sa version traditionnelle et minimale, il peut s’agir juste d’un petit caillou. Il est difficile de tracer strictement la frontière entre les fonctions du jeton et celles du pion. Le jeton est statique, il apparaît et disparaît, mais ne se déplace pas. Il sert à indiquer quelque chose, c’est un marqueur, un compteur. Il peut parfois servir à produire des résultats aléatoires, sa double face lui donnant une certaine prédisposition à cette fonction.

La denrée (ou ressource)

La denrée ou ressource a sûrement un ancêtre commun avec le jeton. Bien qu’elle se soit spécialisée, la denrée sert aussi à compter. Elle prend la forme de billets, de cartes, de jetons ou d’éléments en bois représentant de la pierre, de l’or, du bois, etc. A l’image de toute forme d’argent (dont elle peut être l’incarnation dans le jeu), la denrée réunit trois fonctions : c’est une unité de compte, ou du moins elle participe à l’établissement d’une échelle de valeurs ; c’est un moyen d’échange ; et c’est une réserve de valeur, autrement dit, elle a vocation à être stockée pour être ensuite dépensée ou vendue.

La tuile

La tuile est un élément de jeu moderne. Carrée, rectangulaire ou hexagonale, faite en carton, de 4 à 10cm de côte, la tuile prend parfois les fonctions naturelles du plateau, parfois celles de la carte, celles du dé et même celles du pion. Des tuiles s’assemblent pour construire un plateau, qui sera différent à chaque partie et pourra être découvert ou construit pendant son déroulement. Elles peuvent sortir d’un sac en toile ou être mélangées face cachée, afin d’être tirées au hasard. Elles sont parfois (rarement) « jouées » comme des cartes, détenues donc dans les mains des joueurs ; mais elles peuvent contenir des informations, et de ce fait venir « réécrire » un plateau. Elles peuvent aussi servir de véhicule, pour fusionner en quelque sorte avec des pions.

Le sablier

Les sabliers sont tous assez semblables dans leur forme. Ce qui les différencie, c’est le temps nécessaire à l’écoulement du sable. Leur fonction quasi unique est de décompter un laps de temps. Ce ressort ludique a plusieurs utilités. L’une des plus remarquables, il nous semble, est la production de stress chez les joueurs. Le sablier peut, dans des rares occasions, cumuler sa fonction naturelle à celle de pion.